Droit à la preuve et vie privée : un subtil exercice de recherche de proportionnalité pour l’employeur

Commentaire de l'arrêt : Cass. soc., 16-03-2021, n°19-21.063F-P

Jurisprudence sociale Lamy, 3 mai 2021, n°519 – commentaire réalisé par Camille-Antoine Donzel

Pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire, l’arrêt retient que le bulletin de paie d’un salarié comprend des données personnelles telles que l’âge, le salaire, l’adresse personnelle, la domiciliation bancaire, l’existence d’arrêts de travail pour maladie ou encore de saisies sur leur rémunération et que, dans ces conditions, la société était légitime, préalablement à toute communication de leurs données personnelles à la salariée, à rechercher l’autorisation de ses salariés. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la communication des informations non anonymisées n’était pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Les faits

Une salariée, employée en qualité de technicienne, saisit le conseil de prud’hommes en référé aux fins d’obtenir la communication de documents concernant dix de ses collègues techniciens de sexe masculin et contenant des informations sur leurs position, coefficient et salaire actuels et d’embauche, et ce sous astreinte.

La formation de référé ordonne à l’employeur de transmettre ces éléments à la salariée.

La salariée saisit ensuite le conseil de prud’hommes au fond, de demandes fondées sur l’existence d’une discrimination en raison du sexe.

Puis la formation de référé condamne l’employeur à payer une somme provisionnelle au titre de la liquidation de l’astreinte, et lui ordonne de remettre à la salariée, sous un certain délai, les mêmes documents, sous peine d’une astreinte définitive par jour de retard qu’elle se réserve le droit de liquider.

La cour d’appel, enfin, déboute la salariée de sa demande tendant à ce que l’employeur soit condamné à lui verser une certaine somme au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire, au motif que l’employeur était légitime, en vue d’assurer le respect du droit à la vie privée de ses salariés, à leur demander leur autorisation préalable à toute communication de leurs données, ce que cinq salariés avaient refusé (en l’espèce, l’employeur avait produit cinq bulletins de paie non-anonymisés, et cinq autres anonymisés, en raison du refus des cinq salariés concernés).

Les demandes et argumentations

La salariée se pourvoit alors en cassation. Au soutien de son pourvoi, elle considère que « le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile dès lors que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie sollicitée », et « qu’en l’espèce, en (se) bornant, pour dire qu’il n’y avait pas lieu de liquider l’astreinte, à affirmer que la société était légitime, en vue d’assurer le respect du droit à la vie privée de ses salariés, à leur demander leur autorisation préalable à toute communication de leurs données, ce que cinq salariés avaient refusé, sans rechercher, ainsi cependant qu’elle y était invitée, si la communication des données non anonymisées n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. »

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