Epargne salariale : les ajustements liés au Covid-19
La loi d’urgence sanitaire n°2020-290 du 23 mars 2020 et ses ordonnances d’application contiennent des mesures exceptionnelles et dérogatoires en matière d’épargne salariale, domaine lourdement impacté par l’épidémie de Covid-19. Un Questions/Réponses du ministère du Travail précise les modalités pratiques de ces nouvelles dispositions qui visent à permettre aux entreprises de s’adapter durant cette période particulière, en apportant plus de souplesse aux différents dispositifs.
1. Allongement du délai de conclusion d’un accord d’intéressement
En principe, l’accord d’intéressement doit être conclu avant le 1er jour de la 2ème moitié de la période de calcul suivant sa prise d’effet[1], puis déposé dans les 15 jours suivants à la DIRECCTE[2], à défaut il ne bénéficie pas du régime de faveur.
Par dérogation, les accords d’intéressement et les avenants conclus entre le 1er janvier 2020 et le 31 août 2020 ouvrent droit aux exonérations, y compris lorsqu’ils sont conclus à compter du 1er jour de la 2ème moitié de la période de calcul suivant leur date de prise d’effet. Cette dérogation s’applique à l’ensemble des accords, même en l’absence de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) ainsi qu’aux entreprises non calées sur l’exercice civil[3].
A noter qu’après avoir été suspendus, les délais d’examens par la DIRECCTE sont de nouveaux applicables depuis le 26 avril 2020[4].
2. Raccourcissement de la durée de l’accord d’intéressement
En principe, les accords d’intéressement doivent être conclus pour une durée de trois ans[5].
Exceptionnellement, ceux conclus entre le 1er janvier et le 31 août 2020 peuvent porter sur une durée minimale d’un an. Cette dérogation est applicable à tous les accords d’intéressement conclus entre ces dates, y compris ceux conclus par les entreprises qui ne souhaitent pas verser la PEPA[6].
3. Possibilité de mise en place du dispositif d’intéressement par décision unilatérale de l’employeur (DUE)
Jusqu’à présent la mise en place d’un dispositif d’intéressement était conditionnée à la conclusion d’un accord collectif avec les partenaires sociaux ou à la conclusion d’un accord référendaire[7].
Désormais le dispositif peut être mis en place également par DUE pour d’une durée d’1 à 3 ans. Cette modalité de mise en place est limitée aux entreprises de moins de 11 salariés, dépourvues de délégué syndical ou de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE). Par ailleurs, il faut que l’entreprise n’applique pas ou n’ait pas conclu d’accord d’intéressement depuis au moins 5 ans avant la date d’effet de la DUE[8].
Entreprises de moins de 11 salariés
Entreprises d’au moins 11 salariés
Modalités de négociation initiales de l’accord
Accord collectif ou DUE
Accord collectif
Modalités de reconduction de l’accord
Accord collectif
Accord collectif ou par tacite reconduction
Durée de l’accord initial
1 à 3 ans [si DUE ou accord collectif conclu du 1er janvier au 31 août 2020, 3 ans si accord collectif]
1 à 3 ans si conclusion du 1er janvier au 31 août 2020
Durée de l’accord reconduit
3 ans
3 ans
Source : Q/R du ministère de Travail
4. Assouplissement par le ministère du Travail des modalités de conclusion des accords collectifs
Réunions de négociations collectives à distance
Le ministère du Travail recommande d’organiser les réunions de négociations en visio-conférence, ou à défaut, en audio conférence, pour autant que les conditions dans lesquelles elles se déroulent permettent de respecter le principe de loyauté de la négociation. La négociation à distance n’est pas une nouveauté, le code du travail prévoyait déjà qu’au moins 3 consultations du CSE pouvaient se tenir à distance[9].
S’il y a un caractère d’urgence à la négociation et que la réunion des négociateurs peut être organisée en respectant les mesures dites « barrières », la délégation peut bénéficier de l’autorisation de déplacement dérogatoire.
Signature des accords à distance
Signature électronique des accords collectifs : les entreprises sont invitées à mettre en place un dispositif de signature électronique répondant aux exigences du règlement européen n°910-2014 et de l’article 1367 du code civil.
Autres modalités de signature à distance : En l’absence de signature électronique, il est possible exceptionnellement d’envoyer le projet soumis à signature à l’ensemble des parties à la négociation afin que chacune le signe manuellement. Ensuite deux situations doivent être distinguées :
Les signataires disposent de moyens d’impression : ils impriment le projet, le paraphent et le signent manuellement puis le numérisent et l’envoient par voie électronique.
Ils ne disposent pas de moyens d’impression : un exemplaire du projet d’accord soumis à signature peut être envoyé par courrier ou porteur. Une fois l’exemplaire reçu, chaque signataire peut signer et parapher puis numériser le document et le renvoyer par voie électronique.
Notification des accords à distance
À l’issue de la procédure de signature, l’accord collectif doit être notifié par la partie la plus diligente à l’ensemble des organisations représentatives[10]. L’administration précise que cette notification peut être effectuée par un courrier électronique avec accusé de réception.
5. Procédure exceptionnelle de consultation des salariés (référendum)
Outre le vote électronique, la procédure exceptionnelle suivante, uniquement applicable à l’épargne salariale, peut être utilisée pendant l’épidémie :
Envoi d’un projet d’accord à l’ensemble des salariés sur la messagerie personnelle/dédiée de chacun des intéressés avec indication d’un délai de réponse ;
Validation explicite de chacun par une réponse adressée via la messagerie électronique à l’employeur ou à son représentant ;
Dépôt de l’ensemble des messages en tant que pièces jointes à l’accord d’intéressement ou de participation ou au plan d’épargne salariale sur la plateforme dédiée.
Ce dispositif doit garantir deux éléments fondamentaux : la confidentialité du vote et l’émargement des personnes consultées, afin d’éviter le vote multiple. En temps normal, l’accord résulte de l’émargement par les salariés votants, de la liste nominative de l’ensemble des salariés, ou d’un procès-verbal rendant compte de la consultation[11].
II. Modalités de mise en œuvre adaptées
1. Report possible du versement des sommes dues au titre de la participation et de l’intéressement
Report de la date de versement
En principe, les sommes dues au titre de l’intéressement et de la participation sont versées avant le 1er jour du 6ème mois suivant la clôture de l’exercice au titre duquel elles sont attribuées.
Par dérogation, il est possible de reporter la date limite de versement au 31 décembre 2020[12]. Ce report a pour objectif de permettre aux entreprises de faire face aux difficultés et aux retards inhérents au contexte pandémique. Le ministère du Travail préconise dès lors d’essayer de recueillir le choix des salariés et de verser les sommes dans des délais proches de ceux initialement prévus dans les dispositions conventionnelles.
Cette dérogation emporte plusieurs conséquences :
la possibilité de différer l’envoi des bulletins d’option permettant aux salariés bénéficiaires de choisir entre un versement immédiat ou un investissement des sommes dans un plan d’épargne salariale ;
le report au plus tard au 31 décembre 2020 de la date limite de versement ;
le déclenchement des intérêts de retard pour versement tardif si les sommes sont versées au-delà du 31 décembre 2020.
Information des salariés et des représentants du personnel
Les salariés ainsi que leurs représentants doivent être informés du décalage de versement en privilégiant un message électronique à l’envoi postal. Cette information doit être replacée dans le contexte pandémique et doit préciser la nouvelle date de versement ou d’investissement ainsi que les délais de réponse accordés aux salariés qui pourront être assouplis.
Absence de formalisme
Ce report dérogatoire est d’ordre public. Bien que la date de versement de ces sommes soit une mention obligatoire de l’accord collectif, il n’est pas nécessaire de le formaliser par un avenant, même si le ministère du Travail l’encourage.
Neutralisation du report des versements sur la date de disponibilité des sommes
Les sommes versées à une date ayant fait l’objet d’un report, seront réputées avoir été investies sur un plan depuis le 1er jour du 6ème mois suivant l’exercice de calcul.
Le report de la date de versement n’aura donc pas d’incidence sur l’expiration de la période d’indisponibilité quinquennale. Les sommes investies seront donc disponibles, pour les entreprises ayant un exercice comptable coïncidant avec l’année civile, à compter du 1er juin 2025.
Caractère collectif des dispositifs
Le report du versement des sommes doit concerner l’ensemble des salariés bénéficiaires présents en 2019 afin de préserver le caractère collectif des dispositifs. Le ministère du Travail rappelle que le régime doit être le même pour tous, tout en envisageant que certaines opérations puissent intervenir avant d’autres (par exemple, le versement sur un compte courant peut intervenir avant l’investissement dans un plan). A titre exceptionnel, le versement de ces sommes pourra être anticipé pour les salariés financièrement précaires.
Ces dispositifs ont vocation à intéresser collectivement les salariés à la réussite et à la pérennité du fonctionnement de l’entreprise. Ils ne permettent pas de récompenser individuellement les salariés ayant contribué à la continuité de l’activité de l’entreprise malgré des conditions de travail dégradées en raison de la pandémie, ce pour quoi la PEPA a été adaptée.
2. Modification du délai d’abondement
Le règlement d’un plan d‘épargne peut prévoir que l’abondement de l’employeur peut intervenir concomitamment aux versements du salarié ou, au plus tard, à la fin de chaque exercice et avant son départ de l’entreprise[13]. L’employeur pourra décaler le versement de l’abondement à une date ultérieure, sans pouvoir dépasser la date de fin d’exercice, même s‘il avait pour habitude de verser l’abondement simultanément à l’investissement des salariés.
Si le plan d’épargne prévoit une date impérative et n’offre pas cette possibilité de différer le versement de l’abondement, ni d’en modifier le montant en raison de difficultés de trésorerie, un avenant modificatif devra être conclu selon les modalités simplifiées. En présence d’au moins un délégué syndical ou du CSE, un avenant modifiant unilatéralement les règles d’abondement sera suffisant en cas d’échec des négociations.[14]
3. Neutralisation des heures non travaillées au titre de l’activité partielle
Ces heures doivent être neutralisées pour la répartition des sommes dues au titre de la participation et de l’intéressement lorsque cette répartition est proportionnelle à la durée de présence du salarié. Lorsque la répartition est proportionnelle au salaire, les salaires doivent être reconstitués comme ceux que le salarié aurait perçu s’il n’avait pas été placé en activité partielle.[15]
D’autres périodes d’absence peuvent être conventionnellement assimilées à du temps de travail effectif comme par exemple, les absences des salariés placés en arrêt de travail pour garde d’enfants ou à l’isolement.
4. Prorogation des délais de déblocage de l’épargne salariale
Le salarié dispose d’un délai de 6 mois à compter de l’événement générant un droit de déblocage anticipé pour en faire la demande. Si ce délai est arrivé à échéance pendant la période protégée, il est prorogé jusqu’au 23 août 2020.[16] Par tolérance, les pièces justificatives au déblocage anticipé pourront être apportées postérieurement à la demande effectuée dans les délais.
En simplifiant l’accès à l’épargne salariale, le Gouvernement a souhaité encourager les entreprises à recourir à ces dispositifs pour aider les salariés à faire face à la crise sanitaire causée par la pandémie. Mais ces dispositifs ne permettent pas de récompenser individuellement les salariés qui ont fait un effort particulier pendant cette période. C’est pourquoi le régime de la PEPA a été modifié afin de permettre de sélectionner les salariés bénéficiaires ou de moduler son montant en fonction des « conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19 »[17]. Comme pour l’épargne salariale, les conditions de mise en place et de versement de la PEPA ont été assouplies. On peut noter parmi elles, la suppression de l’obligation de conclure un accord d’intéressement, l’augmentation à 2.000 euros du plafond de la prime exonérée en cas de conclusion d‘un accord d‘intéressement conclu entre le 1er janvier et le 31 août 2020, la possibilité de verser la prime PEPA en plusieurs fois, ou encore la possibilité de procéder à un autre versement lorsque l’entreprise a déjà versé une prime en 2020.
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