Engagement unilatéral et usage : deux qualifications distinctes ?
Commentaire de l'arrêt : Cass. soc., 3 avr. 2024, no 22-16.937 F-B
Jurisprudence sociale Lamy n°585 du 4 juin 2024
Engagement unilatéral et usage : deux qualifications distinctes ? La durée déterminée de l’engagement unilatéral fait obstacle à sa requalification en usage et à l’application de la procédure de dénonciation afférente
Commentaire réalisé par Sophie Pélicier-Loevenbruck et Danis Schmit
Par un arrêt rendu le 3 avril 2024, la Cour de cassation rappelle qu’un engagement unilatéral à durée déterminée cesse automatiquement de produire effet au terme fixé, sans que l’employeur soit tenu de procéder aux formalités de dénonciation applicables aux usages et engagements unilatéraux à durée indéterminée.
Un engagement unilatéral à durée déterminée réitéré requalifié en usage par les juges du fond
La société La Poste avait soumis à l’avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (ci-après « CHSCT ») un projet d’évolution de l’organisation du travail du site de Domont, dans le cadre d’une procédure de consultation qui avait fait l’objet d’une réunion d’information le 19 janvier 2021.
L’organisation du travail de ce site avait déjà fait l’objet d’une première évolution soumise à la consultation préalable du CHSCT et effective au 28 septembre 2020, soit quatre mois auparavant.
Le 11 mars 2021, date à laquelle le CHSCT devait rendre son avis sur le projet d’évolution susvisé, ce dernier et le syndicat Sud Postaux 95 ont saisi le tribunal judiciaire de Pontoise afin qu’il soit fait interdiction à La Poste de mettre en œuvre son projet d’évolution de l’organisation du site de Domont avant le 28 septembre 2022, soit à l’expiration d’un délai de deux ans courant à compter de la date à laquelle ce site avait fait l’objet de la première réorganisation.
Le CHSCT soutenait que La Poste contrevenait ainsi à l’engagement qu’elle avait pris de respecter un délai de deux ans entre « tous les projets impactant l’organisation et le fonctionnement des services » aux termes d’une règle interne figurant dans un « Bulletin ressources humaines » (BRH) en date du 28 mars 2013 intitulé « méthode de conduite du changement : alerte sociale ».
Par ordonnance du 2 juillet 2021, le tribunal judiciaire faisait droit à la demande du CHSCT et du syndicat. La Poste interjetait appel. Par un arrêt du 31 mars 2022, la cour d’appel de Versailles confirmait l’ordonnance du tribunal judiciaire ayant ordonné à La Poste la suspension de la mise en œuvre du projet de réorganisation du site de Domont jusqu’au 28 septembre 2022.
La cour relevait notamment qu’il ressortait du BRH du 28 mars 2013 que l’engagement de respecter un délai de deux ans entre deux réorganisations avait été pris par La Poste pour une durée déterminée, d’abord du 22 janvier 2013 au 21 janvier 2016, puis qu’il avait été prorogé, et ce, en dernier lieu par un nouveau BRH en date du 20 décembre 2019 fixant son terme au 31 décembre 2020.
Elle constatait également que cet engagement n’avait pas été prolongé de manière expresse par La Poste au-delà du 31 décembre 2020.
En dépit de ces constatations, la cour d’appel jugeait que cet engagement devait être néanmoins qualifié d’usage dans la mesure où il remplissait les critères de généralité, de constance et de fixité propres à celui-ci, après avoir relevé qu’il avait été « appliqué de façon ininterrompue a minima depuis 2013 ».
Les juges du fond ont en conséquence estimé que La Poste restait tenue par son engagement de respecter un délai de deux ans entre deux réorganisations dans la mesure où elle n’avait pas procédé aux formalités préalables de dénonciation auprès des représentants du personnel et des salariés.
La Poste formait un pourvoi en cassation.
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